07 avril 2011

"Rio", le film : la meilleure campagne touristique de l'histoire de Hollywood !

Oui, je sais, vous allez me dire : au vu de la déferlante médiatique qui s'abat des deux côtés de l'Atlantique à propos de "Rio", le film d'animation qui relate la découverte de notre Cidade Maravilhosa par Blu, un beau perroquet bleu qui ne sait pas voler, quelle peut être la justification de produire encore un nouvel article sur ce joli produit du 7ème art qui promet de concurrencer très sérieusement le "Tropa de Elite 2" et ses 11 millions d'entrées (record national) dans notre beau Brasil ?
Eh bien, simplement vous faire partager l'excellentissime chronique de Joaquim Ferreira Dos Santos, l'éditorialiste culturel du quotidien "O Globo" (voir ici le dossier spécial "Rio" du Globo Online), parue en début de semaine sur l'évènement cinématographique de cet automne carioca, et qui décrit à merveille, et avec une certaine causticité, le changement de perception sur Rio-la-ville que le monde entier va expérimenter grâce à cet opus animé de 90 mn, qui fera plus pour la réhabilitation de la cité carioca que mille campagnes promotionnelles de son Office du Tourisme !


Je vous laisse avec Joaquim, donc...
"Vous êtes prêts ? Après 'Rio', innombrables sont ceux qui vont vouloir connaître le 'peuple le plus heureux au monde' !...Il y avait déjà la perspective d'organiser la plus belle des Coupes du Monde de Football, la responsabilité de fasciner le monde avec le show d'ouverture des Jeux Olympiques, et voilà  que surgit maintenant le défi de rendre réelle une ville de dessin animé, la scène en 3D du peuple le plus heureux au monde, où les perroquets tombent amoureux et assurent la descendance des l'un des plus belles espèces du monde animal. Voici qu'arrive donc, avec ce joli film de Carlos Saldanha (le réalisateur -carioca- de 'L'Age de Glace'...et donc de 'Rio', ndlr) la plus grande publicité touristique qu'une ville n'a jamais eu d'Hollywood. Rien ni personne (même avec l'aide de l'eau de coco ou des Biscuits Globo !) ne parvient à être si spectaculaire dans la vie réelle.
Rio jusqu'à hier était la ville de la fin du monde, le lieu où les bandits venaient dépenser leur argent gagné salement, une civilisation régie par l'absence de lois -que l'on expliquait paresseusement par le fait qu'il n'existait pas de péché possible en dessous de l'Equateur. C'était le flying down de Rio, le lieu où personne-ne-venait, le repaire d'anciens nazis, le sexe cheap, la ville où tout part à vau-l'eau. Le cauchemar où les Simpsons devaient lutter contre les serpents en pleine rue. L'on trouvait ici la forêt inhospitalière, les décharges à ciel ouvert, les coliformes fécaux sur la plage, on kidnappait l'ambassadeur des Etats-Unis. Les touristes qui venaient ne pouvaient pas se plaindre de ne pas avoir été prévenus : les favelas criminelles étaient présentes dans tous les films.




Désormais, on fait de Rio la Terre Promise -et le carioca n'a pas encore entendu le message venant de ses pairs internationaux seulement à cause de la mauvaise réception sur son cellulaire...Personne n'a encore passé de la cire sur les meubles que déjà les visiteurs arrivent. Ils espèrent rencontrer le peuple le plus heureux de la terre, entamant des pas de samba avec classe tout en donnant des informations précises sur les meilleures soirées de Lapa. Vive les rodas de samba, l'açai et le frescobol au bord de l'eau !
'Rio', le film, entame sa tournée triomphale à travers le monde en cette fin de semaine et renforce encore plus le sentiment mondial et récent qu'il s'agit bien de la ville où il faut être lors de cette décennie. Ainsi, sans que les rues n'aient besoin de voir leurs chaussées refaites, et les hommes locaux éduqués au fait que cela ne se fait pas d'ouvrir sa braguette en public, Rio vient de se voir décerner par le Wallpaper le titre de ville la plus fascinante. Le métro n'a que quelques stations, mais les gays s'en fichent bien. Les aéroports sont préhistoriques, mais les jeunes remplissent les auberges d'Ipanema.
Rio de Janeiro est maintenant une ville entourée de toutes parts par des araras bleus, et le monde, enthousiasmé par un film qui traite de l'expérience d'un homme qui souhaite vivre en harmonie avec la nature, va vêtir des millions de bermudas à fleur pour combler sa curiosité.




Jusqu'alors, Rio était synonyme de fin du monde, voilà que la ville est devenue en deux temps trois mouvements le meilleur endroit de la terre. 'Cidade de Deus', l'ultime oeuvre cinématographique que la planète a reçue sur la vie ici, est oublié. C'était le royaume des gangs jusqu'à la nuit dernière, les blocos amusants du Carnaval ont pris le pouvoir ce matin. Tout cet espoir né à l'international, de fuir les problèmes que l'on a chez soi et d'être heureux ici, est finalement une petite chose. Venez-donc ! Le problème, c'est que la nature est prête, mais il va falloir transiger avec les acteurs locaux, les conducteurs de taxi (ceci dit, qui restent mille fois plus sympas que leurs homologues parisiens, ndlr :), les garçons de café (même topo, ndlr), les urineurs de rue, les livreurs de pharmacie ou les petits voleurs à la tirée.
Avec ce 'Rio' sur toile, les hordes de touristes vont déferler sur la ville à la recherche d'un merveilleux sandwich au feijão, mais au moment de rentrer dans leurs pénates, ils seront bien ennuyés avec ces conducteurs de bus roulant à des allures folles, avec ces ados qui s'amusent à la balle à chaque feu rouge en quête de quelques centavos, le tout sans un réseau de transport "civilisé", et des bouchons à n'en plus finir.
Le cinéma carioca est beau, personne ne le conteste, mais, même avec force caipirinhas et autres cavaquinhos, il va falloir quand même penser à demander à un officiel de veiller à ce que tout le monde reste civilisé et d'indiquer les meilleurs endroits pour le public raffiné qui va venir nous rendre visite."

"Rio", le film, sortie nationale au Brésil ce vendredi 8 avril. En France, il faudra patienter (un peu) jusqu'à mercredi prochain, le 13 !
Et allez, les deux premières minutes du film, pour se faire plaisir ! Sambaaaaaaaaaaaaaa !!

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Hello, Ou est le lien vers la version en portugais ? On ne comprends pas bien si c'est une traduction ou ton opinion. Impossible de trouver l'original de Joaquim Ferreira

Anonyme a dit…

veau-l'eau ?? vau l'eau c'est mieux!

Unknown a dit…

@anonyme 1 :
- Tu as raison je vais mettre en italique la partie traduite, ça sera plus clair. ceci étant si je poste sur mon blog, ça veut dire que je partage l'avis du bon Joaquim :)
- Pas de lien, car l'original...se trouvait sur un étrange et archaïque support qui s'appelle journal papier ;)Donc il faudra se fier à ma traduction ! :)
@anonyme 2 : c'est juste, merci pour la correction - je suis moi aussi très à cheval sur l'orthographe :)

Anonyme a dit…

voleurs à la tirée ?

Lapsus révélateur à tire larigot dans ces quelques lignes ;-)

Un scan de l'original ?

davidikus a dit…

L'idée est globalement correcte : la publicité des villes est mieux faite par les événements (Jeux, Mondial) et les films que par tout autre support. On voit par exemple très bien l'effet du film Ratatouille sur l'image de Paris dans le monde : sorti quelques années après la campagne mondiale de dénigrement de la France liée à la guerre en Irak, il a redonné envie aux jeunes américains de voir Paris.
Par contre, je crois que globalement, les films s'appuient sur une image existante. L'image de Rio a toujours été double : la Ville Merveilleuse & la ville des Favelas. Comme dans tous les pays latins (France, Italie, Espagne, Brésil, Argentine...) les locaux (ici les Brésiliens) ont une image de leur ville qui est bien moins bonne que l'image de la ville dans le monde (c'est l'inverse à Londres où j'habite). Un exemple : je ne crois pas que beaucoup de monde à l'étranger associe le sable de Copacabana aux coliformes fécaux...
Par conséquence, les locaux (donc les Brésiliens) ne reconnaissent pas nécessairement leur ville dans un film. Voir ce que Veloso dit d'Orfeu Negro : les Brésiliens détestaient mais c'est ce film qui a très largement fait l'image du Brésil dans le monde (et popularisé la Bossa Nova à l'étranger).

Très intéressant donc, mais à nuancer.

http://davidikus.blogspot.com/
http://www.davidranc.com

Caroline a dit…

Je suis une inconditionnelle du Brésil en général et du film d'animation!!
Au niveau qualité d'images , je rentre de Rio et c'est vrai qu'on s'y croit !
Un petit "modérato" pour la version française , la bande son tue la gaité du film...de la traduction française de chanson américaine !! c'est un peu lourd !
Je regrette qu ils aient gommé la musicalité " de la langue brésilienne" çà manque de références musicales fortes et symboliques ....
je doute qu 'on aille au Brésil gràce au film si on ne l'avait pas envisagé avant ? mais çà donne envie de visiter quelques sites ..bonde de Ste Teresa ....
La pauvreté des favelas est amenée intelligement à travers le petit " voleur"d'Arara ....sans jugement et les singes de Pao de Açucar, remettent "un peu" les touristes à leur place

Unknown a dit…

Ola Caroline, merci pour ton message ! Je n'ai pas encore vu le film, je le verrai en version portugaise ! ;) Petit mot des entrées du film au Brésil : gros carton évidemment en première semaine, plus de 1,3 millions de brésiliens ont vu Rio...c'est Wagner Moura et son Tropa de Elite qui tremble ! :))

Thierry a dit…

Il est intéressant de noter que la première du film a eu lieu dans un cinéma tout récemment installé dans la favela "Complexo do Alemão", jusqu'il y a peu l'un des quartiers les plus dangereux de la ville, et dont la municipalité a repris possession récemment.

Le prix des places est bonifié pour les habitants du quartier, et les salles sont pleines tout le temps. Pendant ce temps là, la jeunesse n'a pas la tête aux bêtises… Décidément à Rio, tout reste possible, le pire comme le meilleur.

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